Avec les pêcheurs normands, partir, se jouer des aléas de la mer, tirer le bon lot à la criée ; avec les marins siciliens, pronostiquer le temps à venir, honorer San Bartolomeo : dès que le hasard impose sa loi, des rites régissent les pratiques les plus techniques. Prendre ses repas en commun dans un collège anglais, se marier entre Arméniens émigrés, voilà qui demande de la cérémonie ; mais à travers la forme réglant les convenances, ce sont des fins plus hautes qui sont visées, ce sont des rites qui sont pratiqués. Liturgies politiques, comme pour le choix d'un emblème national en Macédoine ; imprécations, malédictions, blasphèmes, comme il s'en lance dans les Carpates : en des cas comme ceux-là, il revient à l'image ou au discours d'imposer leur forme à l'activité rituelle. Considérez maintenant le culte des icônes en pays chrétiens orthodoxes : attoucher l'image, se pénétrer des effluves de l'encens, se prosterner et embrasser le bois peint, ces pratiques ne prennent-elles pas sens pour autant seulement que la structure figurative et la narration légendaire les finalisent ? De cela, que penser ? Seraient-ce des singularités culturelles à détruire, comme sous les régimes communistes ? A préserver, voire à restaurer, après le communisme ? Des pratiques à traiter comme du patrimoine vivant à conserver ? Ou comme des ressources d'énergie à mobiliser ? Mais en ce cas, pour quels projets, pour quels mondes à réenchanter ? Du rituel, il y a belle et bonne matière à penser.